Avec Pierre Poillot, Pierre Gobbo et Yves Courtot, je suis allé assister à l’audience tenue lundi 30 mars au tribunal correctionnel de Dijon au cours de laquelle était appelé Jean-Paul Laligant, instituteur poursuivi dans une procédure qui semble bien inadaptée à la réalité du problème. J’ai voulu tout simplement lui témoigner, comme de nombreux élus du canton de Liernais, ma solidarité devant une judiciarisation pénale inquiétante.
Je rappelle que cet instituteur remplaçant, suspendu à titre conservatoire par sa hiérarchie, est poursuivi par le ministère public en raison d’une remontrance faite le jour de son arrivée en classe après un geste d’incivilité d'un élève. La pénalisation vient du fait qu'un cutter a été montré par l'enseignant et le tribunal doit apprécier s’il s’agit là d’une violence.
Une telle affaire est-elle bien à sa place dans une salle d’audience de tribunal ? Le procureur n’en doute pas qui au terme de son réquisitoire a demandé 600 euros d’amende avec sursis. "Tout ça pour si peu" déclarait l'avocat de la défense avant de demander la relaxe pure et simple pour avoir relevé plusieurs incohérences dans cette affaire : à commencer par le respect des droits de la défense au cours de l’enquête, suivi par le vide abyssal de preuves et l’inaction de l’Education nationale dans ce dossier,… à l’exception notable de l’inspecteur honoraire qui a suivi la carrière de Jean-Paul Laligant par le passé et dont le témoignage a été produit.
Verdict le 11 mai prochain.
Pour mémoire : le 28 septembre dernier, c’est le premier jour de classe pour cet instituteur remplaçant expérimenté et un élève trouble la classe par un comportement exhibitionniste. Le maître l'appelle à son bureau, sort un cutter de son cartable et lui montre à distance en lui disant "je coupe tout ce qui dépasse" afin qu'il cesse d’exhiber son sexe devant ses camarades et troubler la classe.
Pour le procureur, c'est l'usage du cutter qui constitue la violence délictueuse, même si la plupart des élèves n’ont strictement rien remarqué et que l'élève concerné a compris et dit que son intégrité n’a été menacée à aucun moment. Les parents n'ayant pas porté plainte non plus. Une discussion avec eux a d'ailleurs permis à l’instituteur de leur parler du comportement de leur enfant et cet élève est revenu en classe travailler normalement les jours et semaines suivants, sans aucun stigmate d’une victime choquée…
La maladresse pédagogique est reconnue toutefois par l’instituteur. Dans son dos pourtant, deux mois plus tard, une enquête judiciaire est ouverte, des renseignements collectés par les gendarmes jusqu'à ce que finalement les faits soient requalifiés de "coups avec arme" à "violence sur mineur sans incapacité"... L'affaire aurait pu, aurait dû, faire l’objet d’un traitement interne à l’Education nationale. De là à penser qu’une fois de plus l’Education nationale a laissé à d'autre (la justice aujourd’hui, mais les collectivités locales le plus souvent), le soin d’assumer ses propres responsabilités, il n’y a plus qu’un cheveu… Comme le disait l'avocat de la défense, si pression il y a sur la Justice, c'est celle exercée implicitement par l'institution de l'Education nationale ... par son inaction.